Portrait d'ambassadeur : Les Tilleuls.coop, le choc coopératif par le choix numérique

Comment démontrer que ce modèle est aussi habile et innovant que les modèles économiques traditionnels ? C’est le défi que se sont donnés en 2011 trois professionnels de la création de logiciel, du graphisme et du jeu vidéo à l’origine de Les-Tilleuls.coop. Kévin Dunglas se rappelle : « Je travaillais en indépendant dans le développement de logiciels et j’ai décroché un jour un projet que je ne pouvais pas mener seul. Une opportunité de créer une coopérative. Ça a été le point de départ de Les-Tilleuls.coop, avec un nom provisoire qui n’a finalement pas changé. »

Veste de survêtement, jean et baskets, le co-fondateur tranche avec l’idée d’un chef d’entreprise traditionnel. A l’image de la coopérative qu’il a toujours rêvé : « C’est le principe : pas de chef, tous les salariés sont des coopérateurs, explique Kévin Dunglas qui précise : « Pour faciliter les relations avec les clients qui veulent avoir à faire avec ‘un responsable’, nous avons tout de même instauré un niveau de co-gérance en binôme avec Marion Agé, développeuse. Ce qui facilite aussi le suivi des grandes orientations pour Les Tilleuls.coop » 

Une philosophie du partage
A l’image de la coopérative aussi, Les-Tilleuls.coop ont adopté une philosophie du partage et de la transparence. A commencer par le partage des richesses : « Chaque année, 20% des bénéfices sont dédiés au projet d’investissements, etc. Le reste est partagé entre tous les salariés équitablement », détaille Kévin Dunglas. Tabou les salaires ? Pas pour les salariés de Les-Tilleuls.coop qui décident ensemble des augmentations annuelles. « Les grilles sont établies sur 6 niveaux en fonction des compétences et de l’expérience. Il n’y a pas de différence entre un développeur ou un métier tel qu’un commercial ou un communicant », complète ce développeur. Des informations qui sont même publiées sur le site internet de la coopérative. « Nous partageons nos outils, nos grilles de salaires pour que les structures intéressées puissent s’en emparer. » 

Incontournable aussi la prise de décisions. Alors comment décider collégialement à 65 personnes ? Kévin Dunglas sourit : « C’est sûr qu’au démarrage, avec trois personnes, c’était plus facile. Mais très vite, en grossissant, nous avons trouvé un fonctionnement en gardant une horizontalité des prises de décisions pour Les-Tilleuls.coop tout en évitant les blocages. Les grandes orientations de la coopérative, les embauches, les chiffres … sont présentés, discutés et votés une fois par mois. Durant une journée complète, nous réunissons tous les collaborateurs et nous passons en revue les sujets. Nous cherchons le consensus, réalisons des votes à main levée. Avec un système basé sur : une personne égale une voix et la majorité simple. Pour les décisions rapides et moins importantes, nous utilisons des outils en ligne comme Loomio. Exception faite pour les projets techniques pour lesquels nous conservons un modèle hiérarchique avec des référents. Lorsqu’il faut trancher, la décision revient à celui qui a le plus d’expérience et de compétences. »

Pour un salarié, entrer dans Les-Tilleuls.coop est un parcours engageant : « Nous formons les salariés à notre organisation. Avec l’objectif, au maximum un an après l’embauche, de devenir associé de la coopérative, avec un pouvoir de décision. C’est donc un critère qui pèse sur le recrutement, appuie Kévin Dunglas. Mais cela permet aussi de garder une équipe investie sur les projets dans un secteur où les salariés changent énormément d’entreprises. Et adopter notre modèle d’organisation a bien des avantages : celui de mieux accepter les décisions, les erreurs aussi et d’une manière générale nos collaborateurs sont plus productifs, efficaces et concentrés. » 

Créer le choc coopératif dans tous les secteurs
Ses yeux pétillent en évoquant son militantisme, les modèles historiques de coopératives : « Depuis plus de 10 ans, nous portons un projet durable, avec un fonctionnement autogestionnaire, une démocratie directe, un partage des richesses, mais aussi un modèle innovant et aussi créatif que d’autres. » Loin de rester dans un entre soi de l’économie sociale et solidaire, Les-Tilleuls ont fait un choix fort : celui de faire en sorte d’être en concurrence avec les entreprises traditionnelles et de travailler pour des clients traditionnels. « Nous voulions prouver que le modèle coopératif fonctionne et peut être étendu au reste de la société », appuie Kévin Dunglas.

Avec ses 65 salariés dans ses différentes antennes, en région Hauts-de-France et bien au-delà, le plan « roule ». « Au début, nous voulions développer le pôle jeux vidéo et le pôle développement de logiciels sur mesure, raconte-t-il. Mais nous nous sommes aperçus que c’était sur le second qu’il fallait se concentrer. Du reste, nous avons grossi de manière linéaire en fonction du développement ». Si Les-Tilleuls se sont fait leur petit nom, c’est aussi par leur contribution de longue date au monde du logiciel libre où des développeurs, programmeurs du monde entier partagent leurs connaissances pour bâtir des logiciels ouverts, notamment avec « API PlatForm » et « SymFony ». « C’est sans doute pour cela que la coopérative se marie aussi bien avec le monde du logiciel libre. Toutes les bases étaient déjà là », explique Kévin Dunglas.   

Sur les défis à mener, la coopérative n’est pas prête de s’arrêter en si bon chemin : « Même si le sujet fait débat, nous pensons encore grossir, de manière intelligente. La demande d’expertise en informatique est là. » Et cela dans des secteurs très divers. Des exemples, le co-fondateur en donne à foisons : « Nous avons réalisé l’application mobile de la flotte de voiture de Citiz. Nous travaillons chez France TV, nous avons mis en place une application pour les essais produits de Decathlon. Et nous espérons bien voir notre modèle se dupliquer au-delà de notre secteur d’activité. »